Roland Halbert : Le Pollinier sentinelle
Roland Halbert est fou de haïku. « Trop souvent, écrit-il, on le prend pour un facile « programme court », un étrange amuse-gueule ou une curieuse commode exotique à trois tiroirs ». Alors, dans un livre (Le Pollinier sentinelle) qu’il publie, parallèlement, sur l’art du haïku, il convoque les grands auteurs qui l’ont fait vibrer, à commencer par le maître Bashô et le moine errant Ryôkan. Mais il y a plus, en encore mieux, quand Roland Halbert se met à sonder l’écriture de quelques grands écrivains, y décelant l’esprit du haïku. Ainsi Richard Brautigan dont il salue le Journal japonais. « Calme/juste quelques passants/pas de vent », écrit l’écrivain américain. « Un bout de poivron vert tombe/hors du saladier en bois:/ et alors ? »
Chez les auteurs français, Roland Halbert se tourne vers Jean Follain et reprend à son compte l’affirmation de Philippe Jaccottet à propos de la poésie de l’auteur normand : « Elle est la seule peut-être qui m’ait paru rejoindre aujourd’hui, en France, l’idéal du haïku ». Ainsi ces vers de Follain cités par Roland Halbert : « La bête un peu alarmée/qui boit du lait sous la lune/avec un bruit si léger. »
Mais là où l’on s’attend le moins à trouver l’esprit du haïku, c’est bien dans l’œuvre de Max Jacob. Et pourtant ! Roland Halbert l’a déniché dans les « étroits poèmes » (comme les qualifie lui-même le poète quimpérois) du Cornet à dés II. « Fluidité d’impression, rapidité de tempo, flash de consonances », note Roland Halbert à propos de ces mots de Max Jacob : « Un cerf en bois,/ un serpent boa/la terre embaume. »
L’esprit du haïku, en définitive, se diffuse comme le pollen. Halbert s’en réjouit et fait un habile rapprochement avec le « pollinier sentinelle » du Jardin des Plantes de Nantes (qui donne le titre à son essai) où sont étudiées les émissions de pollen et leurs « flux saisonniers ».
Pierre TANGUY
pour Recours au poème.